Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/102

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lique si parfaite à laquelle il s’était réduit. Il mortifiait l’amour du repos par les veilles continuelles dont nous avons parlé. Il mortifiait l’orgueil par la fuite de tout ce qui pouvait le faire estimer des hommes, et le mépris généreux de toute la gloire mondaine. Les auteurs de sa Vie nous marquent encore deux genres de mortification qu’il pratiquait, et qui montrent en lui le zèle que le désir de mourir à tout et de s’immoler à Dieu par la pénitence inspire à un cœur pénétré de cette vertu.

Lorsqu’il faisait des corbeilles, ce qui était son travail ordinaire, et que l’eau dans laquelle il faisait tremper les feuilles de palmier venait à se corrompre, il ne voulait pas qu’on la renouvelât ; mais il se contentait de mettre de l’eau fraîche dessus, afin qu’elle continuât à sentir mauvais ; et il ne la changeait entièrement qu’une fois l’année. Quelques solitaires lui représentèrent là-dessus que cette eau infecte donnait une mauvaise odeur dans sa cellule, et ne pouvait que l’incommoder beaucoup ; mais il leur fit cette belle réponse : « Je n’ai que trop usé de parfums exquis lorsque j’étais dans le monde ; il est bien juste qu’à présent je souffre cette mauvaise odeur, pour réparer la sensualité que j’ai suivie, afin qu’en la supportant avec patience, Dieu me délivre au jour du jugement de la puanteur insupportable de l’enfer, et que je ne sois pas condamné avec ce mauvais riche qui avait vécu dans le luxe et la bonne chère. »

Son abstinence était telle, que ses disciples avouaient qu’ils ne savaient pas de quoi il vivait ; car, disait l’abbé Daniel, pendant plusieurs années que nous avons été avec lui, nous ne lui donnions qu’une petite mesure tous les ans ; et cependant non-seulement elle lui suffisait, mais encore il nous en donnait toutes les fois que nous allions le voir. Il ne mangeait pas non plus de fruit, excepté quand il était entièrement mûr.