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Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/107

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c’était à cause du regret qu’ils avaient eu de sa séparation ; que même plusieurs en avaient été affligés et qu’ils la leur avaient imputée, en disant qu’il ne les aurait pas renvoyés s’ils lui eussent été plus soumis. Il leur répondit : « Je savais bien qu’on le dirait ; mais à présent on changera de langage, et on dira que la colombe, ne trouvant où reposer ses pieds, revint à Noé dans l’arche. » Cette réponse apaisa la douleur de ses disciples, qui ne le quittèrent plus jusqu’à sa mort.

Il se retira donc tout à fait à Troé avec eux, et ce fut là que deux ans après il termina heureusement sa course. Comme il vit que sa fin approchait, il dit à ses disciples, au nombre desquels était Daniel, de ne pas se mettre en peine d’avoir de quoi faire pour lui des aumônes après sa mort, ce qui montrait combien il était pauvre ; mais qu’il suffisait qu’on se souvînt de lui au saint sacrifice. « Si j’ai fait quelque bonne œuvre dans ma vie, ajouta-t-il, je la trouverai devant Dieu. » Ces paroles, qui leur annonçaient sa mort comme prochaine, les affligea et les troubla beaucoup. Il voulut les leur adoucir, et leur dit : « Mon heure n’est pas encore venue ; je vous en avertirai dès qu’elle arrivera ; mais je dois vous dire que je ne veux pas que vous donniez quoi que ce soit de mon corps pour être conservé comme des reliques, et, si vous le faites, je me rendrai votre accusateur au tribunal de Dieu, où vous paraîtrez comme moi. » Ce grand saint, qui avait voulu se cacher toute sa vie, voulut aussi, par un sentiment de la plus profonde humilité et d’un amour saint pour la vie cachée, être oublié après sa mort, outre qu’il craignait qu’on ne gardât son corps sans l’enterrer, selon la coutume superstitieuse des Égyptiens ; ce qui n’a rien de commun avec l’honneur que nous rendons aux saintes reliques.