Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/108

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Ses disciples lui dirent là-dessus : « Que ferons-nous donc, notre père ? Nous ne savons pas comment on arrange et comment on ensevelit les morts. — Hélas ! leur répondit-il, est-ce que vous ne sauriez m’attacher une corde aux pieds et me traîner ainsi à la montagne ? »

Enfin, comme il était près de rendre l’esprit, il commença à pleurer, ce qui n’est pas étonnant dans les plus grands saints, qui, ayant été pénétrés d’une plus vive crainte du Seigneur pendant leur vie par les lumières qu’ils avaient de sa sainteté, ont souvent redouté de paraître devant lui, sans perdre le désir de le posséder et l’espérance en sa miséricorde. Néanmoins ses disciples, qui avaient été témoins de sa vie toute céleste, en furent surpris. « Pourquoi, mon père, pleurez-vous ? lui dirent-ils. Est-ce que vous craignez la mort comme les autres ? — Oui, sans doute, leur répondit-il, et cette crainte ne m’a jamais quitté depuis que je me suis fait solitaire. »

Ce fut dans ces sentiments d’humilité qu’il rendit au Seigneur son âme enrichie de vertus et de mérites, étant âgé de quatre-vingt-quinze ans, dont il en avait passé quarante dans le monde, autant à Scété, dix à Troé, trois à Canope ou à Alexandrie, et deux encore à Troé ; de sorte qu’il peut être mort en 449 ou 450.

Le visage de saint Arsène paraissait tout angélique, comme on dit qu’était celui de Jacob. Il était grand et de belle taille, mais assez sec et courbé à cause de sa vieillesse. Ses cheveux blancs le rendaient vénérable. Sa barbe descendait jusqu’au milieu du corps ; mais il n’avait plus de cils aux paupières ; ses larmes continuelles les avaient fait tomber.

Ses disciples prirent soin de sa sépulture, et l’abbé Daniel dit que le saint lui laissa sa tunique de peau, son cilice blanc et ses sandales de feuilles de palmier,