Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/11

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pain entier qu’il posa à terre auprès d’eux. Ce fut pour les deux saints un nouveau sujet de louer la miséricorde du Seigneur. « Voyez, dit Paul, combien Dieu est bon de pourvoir ainsi à notre nourriture ! Il y a soixante ans qu’il m’envoie chaque jour de la même manière une moitié de pain. Aujourd’hui que vous êtes arrivé, il double la portion, pour faire voir le soin qu’il prend de ceux qui le servent. »

Ils renouvelèrent leurs actions de grâces, et s’assirent auprès de la fontaine pour prendre leur réfection.

Toute la nuit suivante se passa en oraison, et, le lendemain, reprenant leur pieux entretien, Paul dit à Antoine : « Il y a longtemps, mon frère, que je savais votre séjour dans ce désert. Il y a longtemps que Dieu m’avait promis que vous emploieriez comme moi votre vie à son service. Voila que ma dernière heure est venue, et comme, ayant toujours désiré de m’unir à Jésus-Christ, il ne me reste plus qu’à recevoir de sa main la couronne de justice, ce divin maître vous a envoyé pour ensevelir mon corps, ou, pour mieux dire, afin que vous rendiez la terre à la terre. »

Antoine, l’entendant parler de sa mort comme prochaine, fondait en larmes et le conjurait de ne le point abandonner, ou de demander à Dieu qu’il le suivit dans ce passage ; mais Paul lui dit : « Vous ne devez pas désirer ce qui vous est le plus avantageux. Il est hors de doute que ce serait pour vous un grand bonheur d’être déchargé du fardeau de ce corps mortel, mais vos frères ont encore besoin de votre exemple. Je vous prie donc, si cela ne vous fait pas trop de peine, d’aller prendre le manteau que l’évêque Athanase vous a donné, et de l’apporter pour m’ensevelir. » Il lui faisait cette prière, non qu’il se souciât beaucoup d’être enseveli, enveloppé ou non dans un manteau, mais il voulait éloigner Antoine pour quelques jours, et lui