Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/10

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était venu chercher si loin et avec tant de peine. « Vous savez, lui disait-il, qui je suis, d’où je viens, et le sujet qui m’a amené. J’avoue que je ne suis pas digne de vous voir ; mais je ne me retirerai pas que je n’aie eu ce bonheur. Voudriez-vous refuser aux hommes l’entrée de votre caverne, tandis que vous l’accordez aux bêtes ? Je vous ai cherché, je vous ai trouvé ; je frappe à présent à votre porte. Si je ne puis obtenir que vous me l’ouvriez, j’ai résolu de mourir en vous le demandant, et j’espère qu’au moins vous aurez la charité de me donner la sépulture. »

Paul feignit de ne point se rendre ; il lui répondit du dedans de sa cellule : « Personne ne supplie en menaçant, ni ne mêle des injures avec des larmes. Comment voulez-vous que je vous reçoive, vous qui dites n’être venu que pour mourir ? » En même temps il ouvrit la porte, faisant un doux sourire ; et, s’embrassant mutuellement avec cette tendre charité qui lie les saints les uns aux autres, ils se nommèrent, chacun de son propre nom, par la connaissance surnaturelle que Dieu leur en donna.

Ils firent ensuite une prière ensemble, pour rendre au Seigneur des actions de grâces ; après quoi, s’étant donné de nouveau le saint baiser de paix, Paul s’assit auprès de son nouvel hôte et lui parla en ces termes : « Voici celui que vous avez cherché avec tant de fatigues ; son corps est usé de faiblesse et sa tête couverte de cheveux blancs. Voici cet homme, qui est à la fin de sa course, près d’être réduit en poussière. Mais, puisque la charité souffre tout, dites-moi, je vous prie, comment va le monde : y fait-on de nouveaux bâtiments ? qui est celui qui règne aujourd’hui ? se trouve-t-il encore des hommes aveuglés au point d’adorer les démons ? »

Antoine satisfit à toutes ses demandes ; et, comme ils s’entretenaient ainsi, un corbeau leur apporta un