Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/122

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Les Romains parurent d’abord la mépriser plutôt que la craindre ; mais Marie la soutint avec tant de vigueur et d’avantage, qu’ils furent contraints de demander la paix. Elle y consentit, à condition qu’on lui donnerait le solitaire Moïse pour évêque de sa nation. Ce saint homme était Sarrasin de naissance, et demeurait dans un désert voisin des États de cette princesse, entre l’Égypte et la Palestine, où ses vertus et ses prodiges l’avaient rendu fort célèbre.

Les Romains s’estimèrent heureux d’avoir la paix à cette condition. Valens, à qui ses généraux en donnèrent aussitôt avis, leur commanda de mener Moïse en diligence à Alexandrie, selon la coutume, comme étant la ville la plus voisine, pour y recevoir l’ordination épiscopale. C’était Luce qui s’y portait pour évêque, cet arien furieux qui s’était emparé de ce siége après la mort de saint Athanase, et qui y commettait d’horribles cruautés contre les catholiques, comme nous l’avons dit ailleurs.

Dès que Moïse le vit paraître pour faire la cérémonie, il lui dit en présence des généraux et de tout le peuple assemblé en grand nombre : « Arrêtez-vous, Luce, et ne pensez pas à m’ordonner évêque. Je reconnais que cette sublime dignité est au-dessus de mes forces, et que je ne mérite pas même d’en porter le nom. Cependant, si c’est l’ordre de la Providence que j’y sois élevé, nonobstant mon indignité, je prends ici le Dieu du ciel et de la terre à témoin que je ne souffrirai jamais que vous mettiez sur moi vos mains teintes et souillées du sang des saints. » Luce, qui ne s’attendait pas à une pareille apostrophe, y fut d’autant plus sensible que le reproche était public, et qu’il sentait dans son âme combien il le méritait. Il lui répondit avec un cœur plein d’émotion : « C’est me faire une injure bien éclatante que de témoigner une si grande horreur pour moi en présence de tout le monde,