Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/126

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Après ces deux prédictions de suite, Martirius, voulant éprouver sans doute si l’esprit de Dieu s’expliquerait une troisième fois par la bouche d’un autre célèbre solitaire appelé Jean, et surnommé le Sabaïte parce qu’il avait été disciple de saint Sabas, le conduisit au désert de Gudde où il demeurait, et ce grand solitaire n’eut pas plutôt vu arriver Martirius avec son élève, qu’il se hâta de laver les pieds à celui-ci préférablement à son père spirituel, et lui baisa même la main. Étienne, disciple de Jean le Sabaïte, étonné de cette préférence, lui en demanda la raison. Il lui répondit qu’il ne savait pas qui était ce jeune religieux, mais qu’il avait reçu en lui un futur abbé de Sinaï.

Il y avait dix-neuf ans qu’il s’exerçait avec une simplicité admirable dans la pratique fidèle de l’obéissance, lorsque Dieu appela à lui son père spirituel, le vénérable Martirius. Il se proposa alors d’embrasser la vie des anachorètes ; et il avait travaillé si parfaitement à combattre ses passions, à se dégager de l’affection des choses de la terre, et à acquérir l’esprit d’oraison, qu’il s’était rendu très-propre à cet état non moins laborieux que saint. Ce sont les qualités qu’il exige lui-même, dans son Échelle sainte, de ceux qui veulent vivre seuls dans le désert ; et il en connaissait trop la nécessité pour oser s’y engager sans les avoir acquises. Mais, comme il ne présumait jamais de ses propres lumières, quoiqu’il en eût assez pour instruire les autres, il voulut auparavant prendre conseil d’un saint vieillard appelé George Arsiloïte, qui approuva son dessein ; et il continua depuis, dans sa retraite, de le consulter et de suivre fidèlement ses avis.

Il descendit donc de la montagne, et se retira dans une solitude qui était au bas dans la plaine, et qu’on appelle Thole. Sa cellule était éloignée d’environ cinq