Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/13

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donnez-vous pas seulement le loisir de vous dire adieu ? Faut-il que je vous perde sitôt, vous ayant connu si tard ? »

En même temps il doubla le pas, et fit le chemin qui lui restait avec tant de diligence, qu’il en était lui-même surpris. Étant arrivé à la caverne, il trouva le corps du saint à genoux, la tête levée et les mains étendues vers le ciel. Cette situation, qui ne pouvait être naturellement celle d’une personne morte, lui fit penser, nonobstant la vision qu’il avait eue, que Paul vivait encore, et il se mit auprès de lui pour prier ; mais ne l’entendant pas soupirer, comme il avait coutume de faire pendant l’oraison, il reconnut qu’il était mort, et se jeta à son cou pour lui donner un triste baiser.

Après avoir un peu soulagé sa douleur par cette marque de tendresse, il tira le corps hors de la caverne pour l’ensevelir, chantant des hymnes et des psaumes selon l’usage de l’Église. Mais lorsqu’il voulut préparer la fosse, ne trouvant aucun instrument pour la creuser, il fut extrêmement embarrassé. « Si je retourne au monastère, disait-il en lui-même, il faut trois jours pour revenir. Si je demeure ici, je n’avance pas davantage. Il vaut donc mieux, ô Jésus mon divin maître ! que je meure, et que je suive votre vaillant soldat, en rendant les derniers soupirs auprès de lui. »

Comme il raisonnait ainsi, Dieu lui envoya deux lions, qui accoururent du fond du désert, faisant flotter sur leur cou leur longue crinière. Antoine en eut d’abord quelque frayeur, et éleva son esprit à Dieu pour implorer son secours. Mais ces animaux, déposant leur férocité naturelle, s’approchèrent du corps de saint Paul, se couchèrent à ses pieds, le flattèrent avec leur queue, et poussèrent de grands rugissements, pour témoigner en leur manière du regret de sa mort. Ensuite, grattant la terre avec leurs ongles, et, jetant comme à