Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/135

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tout effrayé, et, au moment que j’en suis sorti, j’ai vu la roche se détacher et tomber sur la place que j’avais quittée. » Le bienheureux Jean ne voulut rien dire à son disciple de la vision qu’il avait eue ; son humilité la tint cachée, et il se contenta d’en rendre à Dieu, au dedans de son cœur, ses actions de grâces, et de lui témoigner sa reconnaissance par son amour.

Dieu voulut faire voir dans une autre rencontre, pour glorifier son serviteur, qu’il ne rendait pas moins ses prières efficaces pour le soulagement des âmes affligées par la tentation, que pour la conservation temporelle de la vie du corps. Un solitaire, nommé Isaac, était si fort assiégé de mauvaises pensées, qu’elles le réduisaient presque au désespoir par leur violence et leur importunité. Il en fut un jour entre autres si vivement attaqué, qu’il vint se réfugier auprès de lui, tout fondant en larmes, comme dans un asile contre l’ennemi qui le poursuivait. Le bienheureux Jean, touché de sa foi et de son humilité, lui dit : « Mon frère, mettons-nous tous deux en oraison, car Dieu, qui est bon et miséricordieux, ne méprisera pas notre prière. » Le malade spirituel se prosterna aussitôt le visage contre terre et se mit à prier avec lui. Ils n’avaient pas encore achevé leur oraison, que ce bon frère se trouva tout à coup comme changé en un autre homme. Une paix parfaite succéda au trouble qui l’agitait. Il sentit que la tentation était dissipée, et, ne pouvant assez admirer cette merveille, qui avait changé son état si humiliant et si affligeant en un si grand calme, il rendit grâce au Seigneur de sa délivrance, et au bienheureux Jean qui l’avait obtenue par la force de sa prière.

Ainsi, dit l’historien de sa Vie, cet illustre directeur des âmes enrichissait tous ceux qui le venaient voir par les paroles de grâce qui sortaient de sa bouche comme