Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

preté dans le cilice, et il ne cherchait point de tunique que la première ne fût tout à fait hors d’usage. Il ne coupait ses cheveux qu’une fois l’année, au temps de Pâque. Son lit était la terre dure, ou, dans la nécessité, une natte de jonc. Depuis seize jusqu’à vingt ans, il n’eut pour se garantir de la pluie et des vives ardeurs du soleil qu’une petite cabane couverte de joncs et d’épines : encore n’avait-il point alors de demeure fixe ; mais il allait, dans cette vaste solitude, tantôt en un endroit, tantôt à un autre, pour éviter de tomber entre les mains des voleurs ; car, quoiqu’il ne craignit pas la mort, il savait qu’il n’était pas de la discrétion de s’y exposer sans sujet, comme il est de la piété de l’accepter lorsqu’elle se présente par l’ordre de la Providence.

Aussi Dieu montra dans une rencontre qu’il prenait de lui un soin tout particulier : car des voleurs, ayant formé le dessein de le surprendre dans sa petite cabane, soit qu’ils crussent y trouver quelque butin à faire, soit qu’ils eussent honte de voir qu’un si jeune solitaire demeurât dans ces lieux sans les craindre, se mirent en chemin pour le chercher après le coucher du soleil ; mais ils ne firent que marcher toute la nuit sans pouvoir y arriver. Enfin le jour étant venu, ils découvrirent sa pauvre cellule, et y étant entrés, ils lui demandèrent d’un ton de raillerie ce qu’il ferait s’il était attaqué par des voleurs. Il leur répondit que celui qui n’avait rien ne les craignait point. « Mais, répliquèrent-ils, ils peuvent vous tuer. — À la bonne heure, dit Hilarion ; mais je ne crains pas la mort, parce que j’y suis préparé. » Ils admirèrent une si grande fermeté dans un jeune homme de dix-huit ans, car il n’en avait pas alors davantage, et lui avouèrent qu’ils s’étaient égarés pendant la nuit, et que Dieu les avait comme aveuglés. Ils lui promirent enfin de se corriger de leurs vices, et le laissèrent en paix.