Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/155

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il entra dans un vaste désert qui est entre Gaze et l’Égypte, à deux lieues et demie de Majuma, bourg où étaient le port et les magasins de Gaze, et il entreprit cette vie toute céleste après laquelle il soupirait ardemment. Ses parents et ses amis voulurent d’abord l’en détourner, lui représentant que le lieu qu’il choisissait était décrié par les meurtres et les brigandages qui s’y commettaient souvent ; mais il leur répondit que, bien loin de craindre la mort du corps, il ne craignait que celle de l’âme, de sorte qu’on était surpris qu’à un âge si tendre (car il n’avait que quinze à seize ans) il montrât tant de force d’esprit. Mais l’ardeur de son amour pour Jésus-Christ l’élevait au-dessus de toute crainte humaine, et sa ferveur était telle, que, malgré la délicatesse de sa complexion, qui le rendait sensible aux moindres impressions du froid ou du chaud, il endurait toutes les injures de l’air avec un courage qui étonnait tout le monde.

Sozomène, qui parle de lui dans son histoire avec beaucoup d’éloge, rapporte en ces termes la manière dont il vivait. « Il s’accoutumait, dit-il, à souffrir les travaux et à surmonter l’inclination qu’ont les hommes à la mollesse ; il ne le cédait à personne pour l’abstinence ; il combattait contre la faim, la soif, le froid, le chaud, et contre toutes les autres peines que la délicatesse du corps et de l’esprit nous fait envisager comme des maux. D’ailleurs il était grave dans sa conduite, sérieux dans ses discours, et il étudiait avec soin le sens des divines Écritures. » Ce n’est pourtant là qu’une idée fort légère de sa manière de vivre ; mais saint Jérôme la développe par le détail qu’il en fait, et c’est d’après lui que nous l’allons donner.

Il n’avait pour vêtement, dit ce saint, qu’un sac et une tunique de peau que saint Antoine lui avait donnés, et un petit manteau de paysan. Il ne lavait jamais ce sac, disant qu’il était fort inutile de rechercher la pro-