Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

âne, je t’empêcherai bien de regimber ; bien loin de te donner de l’avoine, tu n’auras que de la paille. Je te ferai souffrir la faim et la soif, je te chargerai sans ménagement, et je te ferai travailler par le chaud et par le froid, afin que tu penses plutôt à manger qu’à te donner du plaisir. »

L’ennemi de son âme, n’ayant pu réussir par cette voie, tâcha de le surprendre et de l’intimider par la représentation de mille fantômes ; mais le saint se moquait de tous ces prestiges, qui montraient la malice et la faiblesse en même temps du malin esprit, et les rendait vains par sa prière et l’invocation du nom de Jésus-Christ avec une foi animée de la charité.

Il persévéra ainsi pendant vingt-deux ans dans sa solitude, soutenant de fréquents et rudes combats de la part des ennemis invisibles, et n’étant connu que de réputation dans la Palestine, lorsque Dieu voulut le faire éclater par le don des miracles et en faire l’instrument de sa miséricorde pour la conversion et la sanctification d’un grand nombre d’âmes. Elpide, homme fort pieux et de grande considération, puisqu’il fut ensuite préfet du prétoire d’Orient, revenait de voir avec sa femme, nommée Aristenète, et ses trois fils, le grand saint Antoine ; mais, quand ils furent à Gaze, soit par l’intempérie de l’air, soit, dit saint Jérôme, parce que Dieu voulait glorifier aux yeux du monde son serviteur Hilarion, les trois enfants furent saisis en même temps d’une fièvre double-tierce si violente, que les médecins en désespéraient. Leur mère affligée les pleurait déjà comme s’ils fussent morts, et ne pouvait se consoler. On lui dit qu’il y avait dans le désert voisin un saint solitaire qui pouvait bien obtenir leur guérison par la force de ses prières ; et aussitôt elle s’empressa si fort de l’aller voir, suivie seulement de quelques femmes et de quelques eunuques qu’elle avait à son service, qu’à peine