Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/163

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dans cette ville, comme il paraît par l’histoire de saint Nil.

Les solitaires de ces quartiers avaient des vignes qu’ils cultivaient, et c’était plutôt pour en manger le fruit que pour en faire du vin, dont ils n’usaient pas ordinairement. Le saint exigeait pourtant d’eux un grand détachement, et il ne pouvait souffrir qu’ils eussent des sentiments d’avarice. Il avait aussi une horreur extrême des solitaires qui gardaient en réserve de l’argent ; ou ce qu’ils recueillaient de leurs vignes et de leurs jardins, et qui tenaient un compte de leurs dépenses, ou qui s’attachaient trop à leurs meubles. Il fit paraître en plus d’une rencontre combien il condamnait cette infidélité, indigne d’une personne qui a quitté le monde pour embrasser la pauvreté religieuse et n’avoir que Jésus-Christ pour trésor ; et Dieu manifesta par plus d’un miracle combien il approuvait ses sentiments.

Depuis que Dieu l’eut rendu célèbre par le don des miracles et de la parole, pour inspirer l’amour de son culte et de la perfection religieuse, il était chargé de tant de solitaires, et l’affluence des personnes affligées de maladies ou d’autres peines qui venaient à lui était si grande, qu’il commença à regretter les premiers temps où, vivant seul dans le désert, il goûtait les douceurs de sa retraite, n’ayant d’autre conversation qu’avec le Ciel. Le souvenir de cet état de tranquillité lui faisait sentir davantage sa situation présente et l’accablait de douleur ; il ne cessait de pleurer et de gémir. Les frères, à qui il ne s’en était pas expliqué, lui en demandèrent le sujet ; il leur dit : « Comment ne m’affligerais-je pas ? je suis retourné au siècle par une autre route, et je reçois ma récompense dans cette vie. Ne voyez-vous pas que dans toute la Palestine et les provinces voisines on me considère comme si je valais quelque chose ? D’ailleurs