Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/17

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Maure hideux et horrible à voir, vint se jeter à ses pieds, et, d’un air triste et humilié, il lui avoua qu’il se reconnaissait vaincu. Mais Antoine, bien loin de s’enorgueillir, rendit à Jésus-Christ des actions de grâces, et dit ensuite au malin esprit que la figure qu’il prenait montrait en même temps sa laideur et sa faiblesse, et qu’il n’aurait pas désormais grand sujet de le craindre. Puis il entonna ces paroles du Psalmiste : Le Seigneur est ma force, je mépriserai tous mes ennemis (Ps. cxvii) ; ce qui fit disparaître le fantôme.

Telle fut la première victoire d’Antoine, ou plutôt de Jésus-Christ dans Antoine, qui ne se crut pas pour cela en droit de se reposer ; mais, considérant que la malice du démon est féconde en artifices, il se tint plus que jamais sur ses gardes, et se dévoua avec tant d’ardeur aux travaux de la pénitence, que plusieurs en étaient dans l’étonnement. Il ne mangeait qu’une fois le jour après le soleil couché, et restait quelquefois deux ou trois jours sans rien prendre. Sa nourriture consistait en un peu de pain et du sel, et l’eau était son breuvage. Il passait souvent la nuit sans dormir, et s’il reposait, c’était ou sur la terre nue, ou sur des joncs, ou sur un cilice. Il se privait de tous les soulagements qui peuvent flatter le corps, disant que les jeunes gens devaient s’endurcir dans la peine, plutôt que de chercher des commodités qui les rendent délicats. Il ne pensait pas au bien qu’il avait fait, mais seulement à s’avancer chaque jour dans la vertu, comme s’il n’eût fait que de commencer. Il se tenait toujours prêt au combat, crainte de quelque surprise de la part des ennemis de son âme. Il tâchait enfin de se présenter toujours devant Dieu avec un cœur pur et disposé à obéir à sa divine volonté.

Telles étaient ses dispositions, lorsque le désir d’une plus grande retraite lui fit quitter sa demeure, pour s’aller cacher parmi les sépulcres, dans l’un desquels