Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/172

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le piller. Tout l’équipage, effrayé et consterné, se croyait perdu et eut recours à ses prières. Il se mit à sourire, et, se tournant vers ses disciples, il leur dit ces paroles de Jésus-Christ : « Hommes de peu de foi, pourquoi craignez-vous ? Ces gens-là sont-ils en plus grand nombre que l’armée de Pharaon que Dieu engloutit dans la mer ? » Les pirates n’étaient pas plus loin qu’un jet de pierre, quand le saint, levant la main contre eux, dit : « Qu’il vous suffise d’être venus jusque-là. » On les vit alors, par un prodige inouï, reculer, malgré leurs efforts, avec autant de vitesse qu’ils étaient venus pour les aborder.

La tranquillité qu’il se promettait à Chypre ne dura que trois semaines. Les possédés, répandus dans l’île, annoncèrent partout son arrivée. On les entendait crier dans différentes villes : « Hilarion est venu, il faut nous hâter d’aller le voir. » Il s’était retiré à trois quarts de lieue de l’ancienne ville de Paphos, dont il ne restait que les ruines. Plusieurs personnes, entendant les cris des possédés, disaient : « Nous avons entendu parler d’Hilarion comme d’un grand serviteur de Dieu, mais nous ignorons l’endroit où il demeure. » Ils le trouvèrent bientôt, et en moins d’un mois il se vit environné de près de deux cents personnes, tant hommes que femmes. Il en fut pénétré de douleur, voyant que les démons ne le laisseraient jouir d’aucun repos ; et, comme s’il eût voulu se venger d’eux, il les chassa tous en moins d’une semaine des corps des possédés, par la force de ses prières.

Il resta encore deux ans en ce lieu, pensant souvent où il pourrait trouver un asile dans lequel il ne fût connu que de Dieu seul. Hésyque était allé par son ordre en Palestine pour y visiter les frères et l’état de son monastère, que les païens de Gaze avaient ruiné. À son retour, il apprit du saint le projet qu’il avait formé de passer en Égypte dans les Bucolies, où il n’y