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Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/180

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quelque chose de cuit. Enfermé donc que j’étais dans cette espèce de prison, à laquelle je m’étais volontairement condamné pour éviter les feux de l’enfer, et n’ayant pour toute compagnie que les scorpions et les bêtes farouches, je ne laissais pas de me trouver souvent en esprit au milieu des dames romaines : sous un visage défait et abattu par un jeune continuel, je cachais un cœur agité par de mauvais désirs ; dans un corps tout de glace et dans une chair déjà morte avant l’entière destruction de l’homme, la concupiscence entretenait un feu que rien ne pouvait amortir.

« Me voyant donc sans appui et sans ressource, je me jetais aux pieds de Jésus-Christ, les arrosant de mes larmes, et les essuyant avec mes cheveux, et passant les semaines entières sans manger, afin de dompter ma chair rebelle et la soumettre à l’esprit. J’ai passé très-souvent les jours et les nuits à crier et à me frapper la poitrine, jusqu’à ce que le Seigneur, dissipant la tempête, eût remis le calme dans mon cœur. Je craignais d’entrer dans ma cellule, qui avait vu naître tant de mauvaises pensées. Animé contre moi-même d’une juste colère, et traitant mon corps avec la dernière sévérité, je m’enfonçais seul dans le désert ; et si je rencontrais quelque vallée profonde, quelque haute montagne, quelque rocher escarpé, j’en faisais aussitôt un lieu d’oraison, et comme une espèce de prison où je mettais ma misérable chair à la chaîne. Là, abîmé dans mes larmes et ayant sans cesse les yeux élevés au ciel, je m’imaginais quelquefois être en la compagnie des anges, et je chantais dans les transports de ma joie : Nous courrons après vous, attirés par l’odeur de vos parfums. » (Cant., 1.)

Pour faire diversion à ces pensées qui l’obsédaient, il ajouta à ses travaux l’étude de la langue hébraïque. Mais, accoutumé à la lecture de Cicéron et