Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/30

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moins de temps ceux qui voulaient aller voir le saint solitaire.

L’orgueil de la philosophie païenne céda en ce point à la curiosité, et fut confondue par la sagesse d’Antoine ; car, bien qu’il n’eût pas appris les lettres humaines, sa prudence et la vivacité de son esprit y suppléaient avec supériorité, et surtout ces lumières surnaturelles qu’il puisait par la contemplation dans l’éternelle vérité.

Ce n’était pas seulement le peuple qui respectait la vertu d’Antoine, son nom fut célèbre à la cour des princes. L’empereur Constantin le Grand et ses deux fils lui écrivirent comme à leur père, et témoignèrent de l’empressement à recevoir ses réponses. Il voulait s’en défendre ; mais les solitaires lui ayant représenté que les empereurs étaient chrétiens, et qu’ils se tiendraient peut-être offensés de son silence, il leur écrivit qu’il se réjouissait de ce qu’ils adoraient Jésus-Christ, et les exhorta de ne pas tant faire d’état de leur dignité, qu’ils oubliassent qu’ils étaient hommes. Il leur recommanda d’user de clémence et d’humanité, de rendre la justice à tout le monde, d’assister les pauvres, et de se souvenir que Jésus-Christ est le seul Roi véritable et éternel.

Il fit au sujet des lettres de l’empereur une petite exhortation à ses disciples, laquelle montre combien il était peu touché des honneurs de ce monde. « Les rois de la terre nous ont écrit, leur disait-il ; mais qu’est-ce que cela doit paraître à un chrétien ? car, bien que leur dignité les élève au-dessus des autres, la naissance et la mort les rendent égaux à tous. Ce qui doit nous étonner davantage et nous inspirer pour Dieu une tendre affection, c’est que ce divin maître a écrit une loi pour les hommes, et qu’il leur a aussi parlé par son propre Fils. »

Le reste de sa conduite répondait en toute rencontre