Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/34

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Les solitaires l’interrompirent à ces mots, et, le cœur serré de douleur, ils se jetèrent à son cou en poussant de grands soupirs et répandant beaucoup de larmes. Mais lui, plein de joie et témoignant une sainte gaieté, comme s’il allait quitter une terre étrangère pour se rendre à sa patrie, continua à les instruire et leur recommanda de nouveau de ne point se relâcher, de se conduire chaque jour comme si c’était le dernier de leur vie, de conserver leurs âmes pures des mauvaises pensées, de s’efforcer d’imiter les saints ; de n’avoir point de communication avec les schismatiques, non plus qu’avec les ariens, dont l’impiété était manifeste, sans s’étonner que les puissances du siècle leur fussent favorables, puisque ce n’était là qu’une autorité imaginaire qu’ils semblaient avoir, et qui s’évanouirait bientôt ; enfin de demeurer fermes dans la foi de Jésus-Christ et la tradition des saints Pères, qu’ils avaient apprise par la lecture des livres saints, et dont il les avait si souvent instruits dans ses différents entretiens.

Ayant ainsi parlé, les frères le conjurèrent avec beaucoup d’instances de finir sa vie avec eux ; mais il le refusa, et se rendit, après cette visite, à sa retraite ordinaire, où, peu de temps après, étant tombé malade, il appela deux solitaires qui le servaient depuis quinze ans à cause de sa vieillesse, et leur dit : « Enfin, mes chers enfants, voici l’heure où, selon le langage de l’Écriture, je vais entrer dans la voie de mes pères. Je vois que le Seigneur m’appelle. Mon cœur brûle du désir de s’unir à lui dans le ciel. Mais vous, ô les entrailles de mon âme ! je vous conjure de ne point perdre malheureusement, en vous relâchant, le fruit du travail auquel vous vous appliquez depuis si longtemps. Faites état chaque jour que vous commencez seulement d’entrer en religion et d’en pratiquer les exercices, afin que la bonne volonté prenne en vous toujours plus de force.