Page:Marin - Vies choisies des Pères des déserts d'Orient, 1861.djvu/65

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ses religieux lui faisait bientôt juger de quel esprit leur venaient les inspirations ou les désirs qu’ils avaient, et s’ils étaient véritablement de Dieu ou de l’ange des ténèbres. Il ne leur donnait la-dessus que des conseils pleins de sagesse et qu’ils pouvaient suivre en toute sûreté.

Ainsi Pacôme était devenu comme le père commun de tous les solitaires, qui croyaient avoir droit de s’adresser à lui dans leurs besoins spirituels, soit qu’ils fussent de son ordre, soit qu’ils vécussent sous d’autres règles. Les abbés des différents monastères recouraient aussi à lui dans les cas difficiles, comme à un homme qui recevait du Ciel des lumières extraordinaires.

Tant de sagesse dans cet excellent supérieur ne pouvait que faire fleurir toutes les vertus monastiques parmi ses religieux ; aussi pouvait-on regarder l’ordre de Tabenne comme un prodige que Dieu avait opéré pour le salut des âmes, et comme un modèle à proposer à tous ceux qui voulaient rassembler des hommes pour les conduire à la perfection la plus éminente. Un édifice de sainteté si solidement établi et si bien cimenté par les travaux du saint, aurait dû, ce me semble, se soutenir jusqu’à la fin des siècles ; mais la faiblesse de l’homme est extrême, et dans la suite des temps Tabenne devint une triste preuve de la fragilité humaine. Cette révolution future ne fut pas ignorée du saint ; Dieu lui en donna pleine connaissance dans une vision qui le plongea dans une profonde douleur. Dieu daigna le consoler par une nouvelle vision, dans laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ lui promit que, nonobstant la corruption des temps qu’il lui faisait prévoir, il lui conserverait toujours une sainte postérité de religieux qui se soutiendraient dans la piété malgré l’exemple des méchants, ce qui s’est vérifié dans l’état cénobitique en général, dont saint Pacôme peut être regardé à juste titre comme le père.