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Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/158

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LA VILLE CHARNELLE

Les clochers ingénus eurent des larmes bleues
pour pleurer sur le crime éperdu de leurs pointes.
Et la Ville, grisée d’orgueil et de mépris,
toute angoissée d’entendre au loin pleurer le Soir
s’accouda sur la plaine pour attendre la nuit.
Et sa face fardée de sang et d’épouvante
s’abreuva dans le fleuve qui se mélancolise
à charrier les pierreries des grands nuages
et le reflet des lances que son onde amenuise.

Alors le Soir meurtri, haletant sous le poids
des ténèbres immenses, leva sa face triste
vers la Ville et pensa qu’au lendemain du crime
les pauvres, pris d’horreur, abaisseraient la voix
en voyant son sang rouge aux murailles sublimes.

Penché sur les torrents qui se décolorent,
le Soir remplit d’une eau plaintive sa gourde d’or,
et lava d’un grand geste les taches criminelles,