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Page:Marinetti - La Ville charnelle, 1908.djvu/173

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MON CŒUR DE SUCRE ROUGE

Et dont le seul fumet grise l’âme et l’emporte…
Approchez donc, Nella !… Ce cœur que je vous tends,
Ce cœur de sucre rouge et transparent, prenez-le donc !
Vous pouvez à loisir regarder au travers
Le soleil qui s’endort sur les flots du Bosphore,
Et en sucer le sang de temps en temps…
Prenez-le… Pas très cher, puisqu’il ne coûte rien !
Quand vous l’aurez mangé vous en aurez un autre,
Et je viendrai vous l’apporter moi-même,
En soulevant les deux rideaux de soie
Que vos cheveux nocturnes mordus par les rubis
Déploient sur le divan passionné de votre âme,
Où je m’endormirais si volontiers comme un pacha.

Vous ne m’écoutez pas et vous rêvez de fuir…
Au bout du monde… ailleurs, ailleurs, n’importe où !
Votre âme rose bat des ailes dans sa cage…
(Non ! l’image est usée !)
Votre âme est au balcon de sa maison qui flambe…