Page:Marius-Ary Leblond - En France, 1909.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Diego-Suarez avec le navire qui arrive de Marseille ; ce n’est jamais régulier. Mais il n’est point possible qu’il n’y ait pas de lettre pour elle ! et si elle se dit avec insistance qu’il n’y en aura point c’est pour mieux jouir de la tenir tout à l’heure dans sa main.

Comme le courrier ne sera distribué que dans une heure, on reste encore sur le pont. Eva regarde tout le monde ; elle ne trouve rien à dire, même à son amie Anne de Vincendo, de son nom-gâté Chouchoute, qui, pourtant entraînante et vous secouant, vous force toujours à causer ; Chouchoute, heureusement, n’y prend garde et elle est à dire, tout en répondant aux officiers qui saluent :

« Madame Fanjane, vous ne croiriez pas, chaque fois que la Malle arrive, mon cœur bondit : il me semble que c’est celle-là qui va me porter une lettre m’appelant en France par quelque chose que je ne puis prévoir.

— Vous désirez tant que cela aller en France ? Vraiment ?

— J’en meurs d’envie ! s’écria Chouchoute, tapant de la main sur son genou arrondi sous la jupe. Rien ne me retient ici. Maman était de Paris. Et depuis que papa est mort je ne songe qu’à une chose, à filer là-bas. Mais je ne le pourrai pas de sitôt : toutes ces affaires de succession sont trop embrouillées et ce n’est pas ce filou de M. Philippe qui va les démêler.

— Ne parlez pas si haut. Chouchoute, je vous en prie : Mme Philippe est sur le banc d’en face.

— Elle attend sans doute une lettre de son fils,