Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/117

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prenez-vous, ce qui reste quand on a usé ça et qu’on n’est pas soi-même foutu. Vous dites qu’il y a un Bon Dieu, mais vous, vous croyez ça d’avance. Moi, je voulais voir ça, après, comprenez-vous ? Oui, toucher ça. Je me disais : la terre bouffée, — si j’ai encore de l’appétit — il restera Dieu. Je ne crois pas à toutes vos histoires, à ce qu’on appelle pureté du cœur, et abandon, etc… Rien que des foutaises. La vraie pureté, c’est moi qui la connais. La vraie pureté, monsieur l’Abbé, c’est quand on est passé à travers le feu. Vous, vous n’êtes pas passé à travers le feu. Votre Bon Dieu, monsieur l’Abbé, n’est qu’un Bon Dieu pour impuissants. Ça n’est pas le mien. Ça n’est pas le vrai. Comprenez-vous ? »

Il s’était levé. Il fit deux pas vers moi et me mit la main sur l’épaule : « Monsieur l’Abbé, là, sérieusement, en honnête homme, croyez-vous en Dieu ? Ne répondez pas ! Je veux dire : croyez-vous que Dieu existe autant que vous et moi, autant que les femmes que j’ai connues, autant que les marins que j’ai vus dégueuler à Port-Saïd ou à Ceuta, autant que tout ce qui existe ? »

J’allais répondre, il ne m’en laissa point le temps : « Monsieur l’Abbé, je n’ai jamais, entendez-vous, jamais rencontré un croyant qui soit honnête. Tous des menteurs, ou des roublards. Vous, tout le premier, monsieur l’Abbé, car vous ne bronchez pas. Si vous aviez cru en