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Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/13

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LE VENT SE LÈVE

pour la lessive, c’est elle qui le fend et qui le scie. Je suis bon à faire les chaussures. Tout juste à ça. Pour la cuisine, mieux vaut n’en point parler du tout. Si je vous disais la malheureuse histoire du pot-au-feu ? que, Thérèse absente ce jour-là, et pour un enterrement je crois, et les cinq enfants à l’école, j’avais été chargé, quand ça bouillirait (« Tu sauras bien ? ») de jeter les légumes tout près, là, dans une assiette, (« Tu sauras bien ? »), et que Thérèse rentrant trouva, au fond du pot-au-feu, non point les légumes préparés, mais, éparses, les épluchures, avec, en plus, un bout de ficelle ! Suffit. Des histoires de ce genre, j’en aurais beaucoup d’autres à raconter. Et je le ferais avec plaisir, si je ne savais que cela n’est pas racontable, que ce n’est pas sain, que ce sont là des choses qu’on doit garder pour soi.

Et pourtant, toutes ces histoires-là, je les chéris, je me les raconte à moi-même, avec complaisance, comme étant du meilleur de moi, comme témoignant de toute cette fantaisie qui eût voulu vivre, qui veut vivre encore, et que les événements ont découragée.

Thérèse m’appelle. Il doit s’agir de l’aider à porter la lessiveuse de la cuisine à la buanderie. Et les enfants crient à tue-tête : « Papa ! Papa ! Maman a besoin de toi ! »

Non, ce n’était pas pour la lessiveuse, mais pour quelque chose de plus grave : Philippe