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Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/142

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M. le Curé m’entretient d’abord de questions de « ménage » : « Il va falloir acheter du-vin, vous devriez écrire à M. Lacroix, n’est-ce pas ? C’est lui qui approvisionne Monseigneur. Il a du bon vin, et il est aimable, et c’est un excellent chrétien… oui vous allez lui écrire et lui demander qu’il passe au presbytère. Dites-lui qu’il sera retenu à déjeuner. J’espère bien, d’ici là, être descendu. » Il essaie de se soulever et fait une grimace. « Vous ne devez pas manquer d’occupations, mon enfant, et ces deux semaines ont été bien lourdes ! On meurt beaucoup, en ce moment. Je ne comprends pas pourquoi. D’ordinaire, c’est à l’entrée de l’hiver, ou du printemps. Mais il est vrai que le temps est si malsain ! toutes ces grandes pluies depuis un mois… Ah ! je voudrais bien être debout au moins pour la Communion ! Enfin, ce sera comme le Bon Dieu voudra. In manus tuas… » Je ne puis m’empêcher de sourire, à la pensée que M. le Curé remette ainsi, et si bonnement, si innocemment, son lumbago entre les mains de Dieu. Mais que pourrait-il donner d’autre ?

Il me regarde : « Mon enfant, je suis bien content de vous avoir, oui, très content. Vous m’inquiétiez un tout petit peu, au début. Oui, et j’en avais même parlé à monsieur l’Archiprêtre. Je vous trouvais — comment dire ? — un peu dur et un peu barbare. Il me semblait que vous ne pourriez jamais acquérir toute la sou-