Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/148

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J’en arrive parfois à me demander si l’approche de Dieu elle-même n’est pas rendue plus facile par une certaine délicatesse. La façon dont elle plonge la tête dans ses mains, me paraît inséparable de la prière elle-même. Il doit y avoir les « usages » de Dieu. Oui, comme il y a les usages du monde.

Les usages du monde… Peut-être n’aurais-je pas dû refuser non plus cette invitation pour ce soir, chez les Ferry. Leur fille a communié aujourd’hui. « Vous nous feriez un si grand plaisir, monsieur l’Abbé… » Mais je ne pouvais pas accepter. Je sentais le terrible besoin — que j’éprouve souvent à présent — d’être parfaitement seul à la fin du jour. Parfaitement seul. Au point même que je ne puis laisser la fenêtre ouverte et que j’arrête la pendule pour n’en plus entendre le battement.

Quelle heure est-il ? Je n’en sais rien, et l’aube peut-être me surprendra tout à l’heure à cette table, ou, si je n’en devine la blancheur à travers les persiennes, la toute petite cloche de la première messe.

« Jamais personne n’a prêché comme vous… » Si j’avais été honnête j’aurais répondu et sans orgueil : « Non, Madame, jamais personne n’a prêché comme moi, jamais personne n’a été saisi pareillement par la main de Dieu… » J’en doute davantage à présent, mais alors encore je sentais sur moi la main de Dieu.

J’avais tout préparé. Très soigneusement.