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LE VENT SE LÈVE

du collège, vers les, cinq heures, j’entre à l’église. Il n’y a personne. Je reste là dix bonnes minutes, dans un banc du fond, à ne rien penser, à attendre cette petite ivresse, cette toute petite extase d’un sou, qui me donne courage pour de » mois. Quelquefois, j’attends ça en vain. Je n’insiste pas, je ne force rien : Dieu a tellement d’occupations qu’il peut manquer des rendez-vous.

Ces petites extases, j’ai l’air, comme ça, de m’en moquer. Au fond, je fais plus qu’y tenir beaucoup : elles sont, sans doute, la seule raison que j’aie de continuer à vivre. Car même Thérèse, même les enfants… Mais je dirai cela plus tard.

Pour en revenir au patronage, j’y enverrais volontiers Philippe si je ne craignais qu’il n’aggravât, à trop fréquenter les bons Pères, une onction ecclésiastique, une façon d’arrondir sa phrase, et, disons le mot : une hypocrisie distinguée que sa mère ne soupçonne même pas et qui me répugne, à moi, parfaitement ; cet air « maison », cette si enveloppante façon de se plier à vos souhaits, de n’offrir pas la moindre résistance, et, pourtant, de vous circonvenir ! Tenez, ce brave curé encore, qui sonne l’autre jour, par erreur, chez un de mes collègues protestant — j’étais, chez lui — , qui vient pour le denier du culte : « — Ah ! monsieur le Curé, c’est en face, vous vous trompez… mais, puisque le Seigneur vous envoie,