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LE VENT SE LÈVE

tenez…, voilà… » Et le curé de se confondre : « Merci monsieur. Nous ne sommes pas de la même Église, mais toute croyance est respectable ! N’est-ce pas, monsieur, du moment qu’elle est sincère ! etc. etc. » J’en aurais vomi.

Oui, je les voudrais tous plus francs, plus « tout d’une pièce ». Et Philippe aussi. Je voudrais qu’il baissât moins les yeux, qu’il fût un peu plus chahuteur, un peu coureur, vrai avec lui, et acceptant sa vraie nature. J’ai peur d’une puberté malsaine, enveloppée, tournée vers soi ; de quelque chose d’irrémédiable.

J’écris tout ça. Naturellement, depuis longtemps, Philippe est parti au patronage : Thérèse ne m’avait appelé que pour cette sorte de comédie qu’elle joue, je crois, avec innocence : on me consulte, on semble attendre mon avis, et l’on me presse d’en avoir un, de l’énoncer ; après quoi, on fait ce qu’on veut : les rites sont saufs.

Je pèse si peu ? Même quand je sais, quand j’explique à Pierre un problème, voire à Philippe, ils me regardent si curieusement ! C’est comme s’ils ne me reconnaissaient pas : « C’est donc Papa ! C’est donc lui qui sait de telles choses ! » Ils s’efforcent à le croire un moment, et puis l’oublient. Aucun des aspects par quoi je compte, par quoi j’existe, qu’ils mettent jamais à mon actif. En revanche, toutes mes distractions, toutes mes absences, et tous mes manques, ils s’en souviennent scrupuleuse-