Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/152

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certaines choses n’étaient plus possibles. Ce qui venait était-il meilleur ? Je n’en savais rien, je n’en sais rien encore à présent, mais c’était tout d’un coup le sentiment qu’une grande force commençait à vivre, et qui peut-être ne se satisferait point du monde mais demandait d’abord le monde.

Elle s’éveilla. Il me sembla qu’une nouvelle fois j’ouvrais les yeux, que ce court temps pendant lequel j’avais songé sans elle n’était pas la vie. Quand partirions-nous ? C’est de cela ensuite que nous nous entretînmes, et il fut convenu que ce serait cette nuit. Pas une fois elle ne parla de Dieu. Elle dit seulement : « Je sais que c’est mal et que c’est là peut-être notre perdition, mais il faut aller. Toi et moi, nous sommes de ceux… » Elle se reprit : « Tu es de ceux qui doivent aller… le reste… Ah ! qu’importe le reste : est-ce qu’il n’y a pas toujours un reste ? »

Il est dix heures. M.  le Curé est endormi. Il va beaucoup mieux depuis quelques jours. Il pourra dire la messe dimanche. Je ne lui laisserai pas même une lettre : que lui dirais-je qu’il puisse comprendre ? Je vais tout ranger, méticuleusement, comme si je devais revenir demain. Dans une heure, une heure un quart, je partirai pour Saint-Martin. J’expliquerai tout. Ma mère comprendra. Odette frappera le