Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/20

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quoi je souffre, maintenant que j’y vois clair — car si j’ai fui certaines actions, si par exemple, à dix-sept ans, je n’ai pas compris ma cousine, je n’ai point voulu la comprendre, ce n’est pas par raison, de devoir, par vraie pureté — j’étais impur — mais par pauvre raison de peur : oui, je craignais les conséquences, je ne voulais rien risquer de moi. Je me refusais à la vie. Immense péché. Le seul péché peut-être même. Celui dont dépendent tous les autres. Ah ! ce n’est pas moi qui m’aheurte au pardon de la femme adultère ! Un tel pardon était dans l’ordre : dépossédée, traversée de toutes créatures, que vouliez-vous qu’elle pût aimer, sinon l’Amour qui ne trompe point ? La vie connue, la vie aimée, connue-aimée, d’un même mouvement indivisible, et dépassée, alors, quelle autre vie possible qui ne soit la vie éternelle ?

Parle simplement. Voilà encore que tu t’enflammes : la rhétorique et l’éloquence, conditions d’insincérité. Si ces carnets valent quelque chose, ce ne sera que par leur calme, par la lucide acceptation que tu y exprimeras de toi. Fini le temps des incantations, le temps où l’on se forçait pour être : ma seule vraie force, maintenant, c’est la netteté de mon regard.

Quelqu’un m’a dit — je lui parlais de ma piété (il y a de ça bientôt dix ans) : « Votre piété ? Je n’y crois pas. Il me semble, comment