Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/61

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est en toi. Il n’y a que toi qui comprennes. Thérèse, comment te regarder ? Thérèse, comment t’avouer cela ? Mais je ne sens pas qu’il faille te dire. Je suis tranquille. Je suis conduit. « — Jamais, Thérèse m’a dit cela hier — jamais je ne t’ai vu si gai, jamais je ne t’ai vu si tendre ! Est-ce le printemps ? — Mais oui, Thérèse ! » J’ai menti avec volupté. Non, ce n’est pas cela qu’il faut dire : j’ai menti avec une saine joie, comme j’aurais dit la vérité.

Quelle pauvreté dans le monde, et quelle fausseté ! Que de vertus qui ne sont que mensonges, que de fidélités impuissantes ! Dire que j’ai pu m’y laisser prendre ! Madeleine, Madeleine, et toi Bon Dieu, et toi printemps, et toi le chien de l’autre jour, et toi, vieux Bach, nous allons commencer à vivre !

Et qu’ils me fichent donc la paix, avec leurs histoires, Thérèse, les enfants, la morale, et le principal, et le Rousseau que j’ai été ! Il n’y a que Madeleine et moi ! Il nous faut vivre !

Ah ! vivre ! vivre ! ce mot était donc plus qu’un mot ?

Rencontré le docteur Samuel. Je lui ai parlé comme jamais, avec une aisance, avec une