Page:Marius Grout - Le vent se lève.djvu/92

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Nord. Langlois, le sacristain de Sassetot, nous a affirmé l’avoir vu entrer à l’église. « Et, nous a-t-il dit, ça n’était pas la première fois. » Il est tombé entre Sassetot et Saint-Martin. Il a dû mourir tout d’un coup. C’est Rimbert, le cantonnier, qui l’a ramassé le lendemain matin, et nous l’a ramené. « Le Bon Dieu aura eu pitié de lui ! » C’est ma mère qui dit ça, et qui le redit, chaque fois que je vais la voir, avec une larme dans les yeux, et un soupir. Je ne réponds pas. Ma mère serait certainement plus tranquille si je répondais : « Oui, sûrement, le Bon Dieu a eu pitié de lui. » Mais je ne puis pas. Dieu est Dieu, et nous ne sommes que de pauvres hommes. Chacun arrange Dieu à sa sauce et le fait complice de ses faiblesses.

Je m’entends bien avec ma mère, mais à condition de ne pas la voir trop souvent. Elle me fatigue par ses gémissements. Je sais qu’elle a de quoi gémir, mais je l’ai toujours connue gémissante. Et elle m’entoure d’une affection trop tendre. Je sens qu’elle a pour moi une préférence, quoi qu’elle en dise, et ma sœur Julienne le sait bien, et le dit bien. Elle est fière de moi. Heureuse, aussi, de ce que je ressemble à mon père, physiquement bien sûr — c’est indéniable — mais de caractère aussi, assure-t-elle : « Oui, tu as quelque chose dans la voix, et dans les yeux… » Et, mi-souriante : « Tu ne dois pas faire un curé commode ? Hein ? »