Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/139

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J’ai rassemblé la mienne, et je l’ai prévenu.
Le Sénat pourrait-il approuver l’injustice,
Et d’une lâcheté veut-il être complice ?
Son pouvoir n’est-il pas guidé par la raison ?
Vos alliés ont-ils le droit de trahison ?
Et lorsque je suis prêt d’en être la victime,
M’en défendre, Seigneur, est-ce commettre un crime ?

FLAMINIUS

Pourquoi nous déguiser ce que vous avez fait ?
À ce traité vous-même avez-vous satisfait ?
Et pourquoi d’Artamène accuser la conduite,
Seigneur, si de la vôtre elle n’est que la suite ?
Vous aviez fait la paix : pourquoi dans vos États
Avez-vous conservé, même accru vos soldats ?
Prétendiez-vous, malgré cette paix solennelle,
Lui laisser soupçonner qu’elle était infidèle,
Et l’engager à prendre une précaution
Qui servît de prétexte à votre ambition ?
Mais le Sénat a vu votre coupable ruse,
Et ne recevra point une frivole excuse.
Quels que soient vos motifs, je ne viens en ces lieux
Que pour vous avertir qu’ils lui sont odieux.
Songez-y ; mais surtout tâchez de vous défendre
Du poison des conseils dont on veut vous surprendre.

ANNIBAL

S’il écoute les miens, ou s’il prend les meilleurs,
Rome ira proposer son esclavage ailleurs.
Prusias indigné poursuivra la conquête
Qu’à lui livrer bientôt la victoire s’apprête.
Ces conseils ne sont pas plus dangereux pour lui