Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/152

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LAODICE

Non, n’allez pas plus loin ;
Ne dites pas son nom : il n’en est pas besoin.
Je dois beaucoup aux soins où le Sénat s’engage ;
Mais je n’ai pas, Seigneur, dessein d’en faire usage.
Cependant vous dirai-je ici mon sentiment
Sur l’estime de Rome et son empressement ?
Par où, s’il ne s’y mêle un peu de politique,
Ai-je l’honneur de plaire à votre république ?
Mes paisibles vertus ne valent pas, Seigneur,
Que le Sénat s’emporte à cet excès d’honneur.
Je n’aurais jamais cru qu’il vît comme un prodige
Des vertus où mon rang, où mon sexe m’oblige.
Quoi ! le ciel, de ses dons prodigue aux seuls Romains,
En prive-t-il le cœur du reste des humains ?
Et nous a-t-il fait naître avec tant d’infortune,
Qu’il faille nous louer d’une vertu commune ?
Si tel est notre sort, du moins épargnez-nous
L’honneur humiliant d’être admirés de vous.
Quoi qu’il en soit enfin, dans la peur d’être ingrate,
Je rends grâce au Sénat, et son zèle me flatte !
Bien plus, Seigneur, je vois d’un œil reconnaissant
Le choix de cet époux dont il me fait présent.
C’est en dire beaucoup : une telle entreprise
De trop de liberté pourrait être reprise ;