Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/153

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Mais je me rends justice, et ne puis soupçonner
Qu’il ait de mon destin cru pouvoir ordonner.
Non, son zèle a tout fait, et ce zèle l’excuse ;
Mais, Seigneur, il en prend un espoir qui l’abuse ;
Et c’est trop, entre nous, présumer des effets
Que produiront sur moi ses soins et ses bienfaits,
S’il pense que mon cœur, par un excès de joie,
Va se sacrifier aux honneurs qu’il m’envoie.
Non, aux droits de mon rang ce cœur accoutumé
Est trop fait aux honneurs pour en être charmé.
D’ailleurs, je deviendrais le partage d’un homme
Qui va, pour m’obtenir, me demander à Rome ;
Ou qui, choisi par elle, a le cœur assez bas
Pour n’oser déclarer qu’il ne me choisit pas ;
Qui n’a ni mon aveu ni celui de mon père !
Non : il est, quel qu’il soit, indigne de me plaire.

FLAMINIUS

Qui n’a point votre aveu, Madame ! Ah ! cet époux
Vous aime, et ne veut être agréé que de vous.
Quand les dieux, le Sénat, et le roi votre père,
Hâteraient en ce jour une union si chère,
Si vous ne confirmiez leurs favorables vœux,
Il vous aimerait trop pour vouloir être heureux.
Un feu moins généreux serait-il votre ouvrage ?
Pensez-vous qu’un amant que Laodice engage
Pût à tant de révolte encourager son cœur,
Qu’il voulût malgré vous usurper son bonheur ?
Ah ! dans celui que Rome aujourd’hui vous présente,
Ne voyez qu’une ardeur timide, obéissante,
Fidèle, et qui, bravant l’injure des refus,