Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/210

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vous m’en deveriez pus de deux douzaines : mais gardez-les, et grand bian vous fasse.

MONSIEUR ARGANTE

Mais enfin, pourquoi me quitter ?

MAÎTRE PIERRE

C’est que mes bonnes qualités sont entarrées avec vous ; c’est qu’ou voulez marier voute fille à voute tête, en lieu de la marier à la mienne ; et drès qu’ou ne voulez pas me complaire en ça, drès que ma raison ne vous sart de rian, et qu’ou prétendez être le maître par-dessus moi qui sis prudent, drès qu’ou allez toujours voute chemin maugré que je vous retienne par la bride, je pards mon temps cheux vous.

MONSIEUR ARGANTE

Me retenir par la bride ! belle façon de s’exprimer !

MAÎTRE PIERRE

C’est une petite simulitude qui viant fort à propos.

MONSIEUR ARGANTE

C’est ma fille qui vous fait parler, je le vois bien ; mais il n’en sera pourtant que ce que j’ai résolu ; elle épousera aujourd’hui celui que j’attends. Je lui fais un grand tort, en vérité, de lui donner un homme pour le moins aussi riche que ce fainéant de Dorante, et qui avec cela est gentilhomme !