Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/262

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LE CHEVALIER

Oui, vanité pure. Comment donc ! Malpeste ! il faut avoir bien du jugement pour sentir que nous n’en avons point. N’est-ce pas là la réflexion que tu veux qu’on fasse ? Je le gage sur ta conscience.

LE MARQUIS, riant.

Ah, ah, ah ! parbleu, Chevalier, ta pensée est pourtant plaisante. Sais-tu bien que j’ai envie de dire qu’elle est vraie ?

LE CHEVALIER

Très vraie ; et par-dessus le marché, c’est qu’il n’y a rien de si raisonnable que l’aveu que tu en fais. Je t’accuse d’être vain, tu en conviens ; tu badines de ta propre vanité : il n’y a peut-être que le Français au monde capable de cela.

LE MARQUIS

Ma foi, cela ne me coûte rien, et tu as raison ; un étranger se fâcherait : et je vois bien que nous sommes naturellement philosophes.

LE CHEVALIER

Ainsi, si nous n’avons rien de sensé dans cette pièce-ci, ce ne sera pas à l’esprit de la nation qu’il faudra s’en prendre.

LE MARQUIS

Ce sera au seul Français qui l’aura fait.

LE CHEVALIER

Ah ! nous voilà d’accord ; et pour achever de te prouver notre raison, va-t’en, par exemple ; chez une autre nation lui exposer ses ridicules, et y donner hautement la préférence à la tienne : elle ne sera pas