Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/521

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LA VÉRITÉ

Dans le grand nombre, il y en a quelques-unes que j’approuve. Quand j’ouvre un livre, et que je vois le nom d’une vertueuse personne à la tête, je m’en réjouis ; mais j’en ouvre un autre, il s’adresse à une personne admirable ; j’en ouvre cent, j’en ouvre mille ; tout est dédié à des prodiges de vertu et de mérite. Et où se tiennent donc tous ces prodiges ? Où sont-ils ? Comment se fait-il que les personnes vraiment louables soient si rares, et que les épîtres dédicatoires soient si communes ? Il me les faut pourtant en nombre égal, ou bien vous n’êtes pas un dieu d’honneur. En un mot, il y a mille épîtres où vous vous écriez : que votre modestie se rassure, Monseigneur. Il me faut donc mille Monseigneurs modestes. Oh ! de bonne foi, me les fourniriez-vous ? Concluez.

APOLLON

Mais, Mercure, approuvez-vous tout ce qu’elle me dit là ?

MERCURE

Moi ? je ne vous trouve pas si coupable qu’elle le croit. On ne sent point qu’on est menteur, quand on a l’habitude de l’être.

APOLLON

La réponse est consolante.

LA VÉRITÉ

En un mot, vous masquez tout. Et ce qu’il y a de plaisant, c’est que ceux que vous travestissez prennent le masque que vous leur donnez pour leur