Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 2.djvu/180

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une certaine habitude de vivre avec trop de liberté, une aisance de façons que je condamne, puisqu’elle vous déplaît, mais à laquelle on s’accoutume, et qui vous jette ailleurs dans les impolitesses que vous voyez.

HORTENSE

Je n’ai pas remarqué qu’il y en ait dans ce que vous avez fait, Monsieur, et sans avoir vu Paris ni la cour, personne au monde n’aime plus les façons unies que moi : parlons de ce que je voulais vous dire.

ROSIMOND

Quoi ! vous, Madame, quoi ! de la beauté, des grâces, avec ce caractère d’esprit-là, et cela dans l’âge où vous êtes ? vous me surprenez ; avouez-moi la vérité, combien ai-je de rivaux ? Tout ce qui vous voit, tout ce qui vous approche, soupire : ah ! je m’en doute bien, et je n’en serai pas quitte à moins. La province me le pardonnera-t-elle ? Je viens vous enlever : convenons qu’elle y fait une perte irréparable.

HORTENSE

Il peut y avoir ici quelques personnes qui ont de l’amitié pour moi, et qui pourraient m’y regretter ; mais ce n’est pas de quoi il s’agit.

ROSIMOND

Eh ! quel secret ceux qui vous voyent ont-ils, pour n’être que vos amis, avec ces yeux-là ?

HORTENSE

Si parmi ces amis il en est qui soient autre chose, du moins sont-ils discrets, et je ne les connais pas. Ne m’interrompez plus, je vous prie.