Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 2.djvu/342

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chose qui habite dans le ruisseau qui est fait comme une personne, et elle paraît aussi étonnée de moi que je le suis d’elle.

CARISE, riant.

Eh ! non, c’est vous que vous y voyez ; tous les ruisseaux font cet effet-là.

ÉGLÉ.

Quoi ! c’est là moi, c’est mon visage !

CARISE.

Sans doute.

ÉGLÉ.

Mais, savez-vous bien que cela est très-beau, que cela fait un objet charmant ? Quel dommage de ne l’avoir pas su plus tôt !

CARISE.

Il est vrai que vous êtes belle.

ÉGLÉ.

Comment, belle ? admirable ! cette découverte-là m’enchante. (Elle se regarde encore.) Le ruisseau fait toutes mes mines, et toutes me plaisent. Vous devez avoir eu bien du plaisir à me regarder, Mesrou, et vous. Je passerais ma vie à me contempler ; que je vais m’aimer à présent !

CARISE.

Promenez-vous à votre aise ; je vous laisse pour rentrer dans votre habitation, où j’ai quelque chose à faire.

ÉGLÉ.

Allez, allez, je ne m’ennuierai pas avec le ruisseau.