Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/375

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de Lélio, vous continuerez de le voir avec moi ou sans moi, quand votre amie vous en priera.

HORTENSE

Moi, voir Lélio, Madame ! Et si Lélio me regarde ? il a des yeux. Et si je le regarde ? j’en ai aussi. Ou bien si je ne le regarde pas ? car tout est égal avec vous. Que voulez-vous que je fasse dans la compagnie d’un homme avec qui toute fonction de mes deux yeux est interdite ? les fermerai-je ? les détournerai-je ? Voilà tout ce qu’on en peut faire, et rien de tout cela ne vous convient. D’ailleurs, s’il a toujours ce profond respect qui n’est pas de votre goût, vous vous en prendrez à moi, vous me direz encore : Cela est bien froid ; comme si je n’avais qu’à lui dire : Monsieur, soyez plus tendre. Ainsi son respect, ses yeux et les miens, voilà trois choses que vous ne me passerez jamais. Je ne sais si, pour vous accommoder, il me suffirait d’être aveugle, sourde et muette ; je ne serais peut-être pas encore à l’abri de votre chicane.

LA PRINCESSE

Toute cette vivacité-là ne me fait point de peur ; je vous connais : vous êtes bonne, mais impatiente ; et quelque jour, vous et moi, nous rirons de ce qui nous arrive aujourd’hui.

HORTENSE

Souffrez que je m’éloigne pendant que vous aimez. Au lieu de rire de mon séjour, nous rirons de mon absence ; n’est-ce pas la même chose ?