Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/406

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pénétrer, je vous ai offert ma fille ; vous l’avez refusée ; je l’avais prévu, et j’ai tremblé du projet dont je vous ai soupçonné sur ce refus, et du succès que pouvait avoir ce projet même. Car enfin, vous avez la faveur de la Princesse, vous êtes jeune et aimable, tranchons le mot, vous pouvez lui plaire, et jeter dans son cœur de quoi lui faire oublier ses véritables intérêts et les nôtres, qui étaient qu’elle épousât le roi de Castille. Voilà ce que j’appréhendais, et la raison de tous les efforts que j’ai fait contre vous. Vous m’avez cru jaloux de vous, quand je n’étais inquiet que pour le bien public. Je ne vous le reproche pas : les vues jalouses et ambitieuses ne sont que trop ordinaires à mes pareils ; et ne me connaissant pas, il vous était permis de me confondre avec eux, de méconnaître un zèle assez rare, et qui d’ailleurs se montrait par des actions équivoques. Quoi qu’il en soit, tout louable qu’il est, ce zèle, je me vois près d’en être la victime. J’ai combattu vos desseins, parce qu’ils m’ont paru dangereux. Peut-être êtes-vous digne qu’ils réussissent, et la manière dont vous en userez avec moi dans l’état où je suis, l’usage que vous ferez de votre crédit auprès de la Princesse, enfin la destinée que j’éprouverai, décidera de l’opinion que je dois avoir de vous. Si je péris après d’aussi louables intentions que les miennes, je ne me serai point trompé sur votre compte ; je périrai du moins avec la consolation d’avoir été l’ennemi d’un homme qui, en effet, n’était pas vertueux. Si je ne péris pas, au contraire,