Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/357

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PHOCION

Cet aveu change tout entre nous, Seigneur : je vous ai promis de demeurer en ces lieux ; mais la bonne foi me le défend, cela n’est plus possible, et je pars : vous auriez quelque jour des reproches à me faire ; je ne veux point vous tromper, et je vous rends jusqu’à l’amitié que vous m’aviez accordée.

AGIS

Quel étrange langage me tenez-vous là, Phocion ! D’où vient ce changement si subit ? Qu’ai-je dit qui puisse vous déplaire ?

PHOCION

Rassurez-vous, Agis ; vous ne me regretterez point ; vous avez craint de connaître ce que c’est que la douleur de perdre un ami ; je vais l’éprouver bientôt ; mais vous ne la connaîtrez point.

AGIS

Moi, cesser d’être votre ami !

PHOCION

Vous êtes toujours le mien, Seigneur, mais je ne suis plus le vôtre ; je ne suis qu’un des objets de cette haine dont vous parliez tout à l’heure.

AGIS

Quoi ! ce n’est point Phocion ?…

PHOCION

Non, Seigneur ; cet habit vous abuse, il vous cache une fille infortunée qui échappe sous ce déguisement