Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/61

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coutume ou à m’en affranchir, et qui m’eût pénétré moi-même de la plus vive reconnaissance !

Arlequin

Tu as raison, mon ami ; tu me remontres bien mon devoir ici pour toi ; mais tu n’as jamais su le tien pour moi, quand nous étions dans Athènes. Tu veux que je partage ton affliction, et jamais tu n’as partagé la mienne. Eh bien va, je dois avoir le cœur meilleur que toi ; car il y a plus longtemps que je souffre, et que je sais ce que c’est que de la peine. Tu m’as battu par amitié : puisque tu le dis, je te le pardonne ; je t’ai raillé par bonne humeur, prends-le en bonne part, et fais-en ton profit. Je parlerai en ta faveur à mes camarades ; je les prierai de te renvoyer, et s’ils ne le veulent pas, je te garderai comme mon ami ; car je ne te ressemble pas, moi ; je n’aurais point le courage d’être heureux à tes dépens.

Iphicrate, s’approchant d’Arlequin.

Mon cher Arlequin, fasse le ciel, après ce que je viens d’entendre, que j’aie la joie de te montrer un jour les sentiments que tu me donnes pour toi ! Va, mon cher enfant, oublie que tu fus mon esclave, et je me ressouviendrai toujours que je ne méritais pas d’être ton maître.