Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/100

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à redire ; votre accident vous y force. Allons, qu’on nous serve.

Non, monsieur, lui dis-je ; permettez que je me retire ; on ne peut être plus sensible à vos honnêtetés que je le suis, mais je ne veux pas en abuser : je ne demeure pas loin d’ici ; je me sens beaucoup mieux, et je vous demande en grâce que je m’en aille.

Mais, me dit Valville, quel est le motif de votre répugnance là-dessus, dans une conjoncture aussi naturelle, aussi innocente que l’est celle-ci ? De répugnance, je vous assure que je n’en ai point, répondis-je, et j’aurais grand tort ; mais il sera plus séant d’être chez moi, puisque je puis m’y rendre avec une voiture. Quoi ! partir si tôt ? me dit-il en jetant sur moi le plus doux de tous les regards. Il le faut bien, repris-je en baissant les yeux d’un air triste (ce qui valait bien le regarder moi-même) ; et comme les cœurs s’entendent, apparemment qu’il sentit ce qui se passait dans le mien ; car il reprit ma main qu’il baisa avec une naïveté de passion si vive et si rapide, qu’en me disant mille fois : je vous aime, il me l’aurait dit moins intelligiblement qu’il ne fit alors.

Il n’y avait plus moyen de s’y méprendre : voilà qui était fini. C’était un amant que je voyais ; il se montrait