Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/101

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à visage découvert, et je ne pouvais, avec mes petites dissimulations, parer l’évidence de son amour. Il ne restait plus qu’à savoir ce que j’en pensais, et je crois qu’il dut être content de moi : je demeurai étourdie, muette et confuse ; ce qui était signe que j’étais charmée. Car avec un homme qui nous est indifférent, ou qui nous déplaît, on en est quitte à meilleur marché, il ne nous met pas dans ce désordre-là : on voit mieux ce qu’on fait avec lui ; et c’est ordinairement parce qu’on aime qu’on est troublée en pareil cas.

je l’étais tant, que la main me tremblait dans celle de Valville ; que je ne faisais aucun effort pour la retirer, et que je la lui laissais par je ne sais quel attrait qui me donnait une inaction tendre et timide. À la fin pourtant, je prononçai quelques mots qui ne mettaient ordre à rien, de ces mots qui diminuent la confusion qu’on a de se taire, qui tiennent la place de quelque chose qu’on ne dit pas et qu’on devrait dire. Eh bien ! monsieur, eh bien ! qu’est-ce que cela signifie ? Voilà tout ce que je pus tirer de moi ; encore y mêlai-je un soupir, qui en ôtait le peu de force que j’y avais peut-être mis.

je me retrouvai pourtant ; la présence d’esprit me revint, et la vapeur de ces mouvements qui me tenaient comme enchantée se dissipa. je sentis qu’il n’était pas décent de mettre tant de faiblesse dans cette situation-là, ni d’avoir l’âme si entreprise, et je tâchai de corriger cela par une action de courage.

Vous n’y songez pas ! Finissez donc, monsieur, dis-je à Valville