Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/121

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fait de pause, vous aurez la bonté de vouloir bien que j’observe encore une chose que vous n’avez peut-être pas assez remarqué : c’est que, dans la vie, nous sommes plus jaloux de la considération des autres que de leur estime, et par conséquent de notre innocence, parce que c’est précisément nous que leur considération distingue, et que ce n’est qu’à nos mœurs que leur estime s’adresse.

Oh ! nous nous aimons encore plus que nos mœurs. Estimez mes qualités tant qu’il vous plaira, vous diraient tous les hommes, vous me ferez grand plaisir, pourvu que vous m’honoriez, moi qui les ai, et qui ne suis pas elles ; car si vous me laissez là, si vous négligez ma personne, je ne suis pas content, vous prenez à gauche ; c’est comme si vous me donniez le superflu et que vous me refusassiez le nécessaire ; faites-moi vivre d’abord, et me divertissez après ; sinon, j’y pourvoirai. Et qu’est-ce que cela veut dire ? C’est que pour parvenir à être honoré, je saurai bien cesser d’être honorable ; et en effet, c’est assez là le chemin des honneurs : qui les mérite n’y arrive guère. J’ai fini.