Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/124

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de tristesse qui me rendait honteuse, parce que j’en apercevais le motif.

je sentais que c’était un cœur consterné de ne savoir plus si je méritais sa tendresse, et qui avait peur d’être obligé d’y renoncer. Y avait-il rien de plus obligeant pour moi que cette peur-là, madame, rien de plus flatteur, de plus aimable, rien de plus digne de jeter mon cœur dans un humble et tendre embarras devant le sien ? Car c’était là précisément tout ce que j’éprouvais. Un mélange de plaisir et de confusion, voilà mon état. Ce sont de ces choses dont on ne peut dire que la moitié de ce qu’elles sont.

Malgré cet air de froideur dont je vous ai parlé, Valville, après avoir satisfait à la question de la dame, vint à moi pour m’aider à me lever, et me prit par-dessous les bras mais, comme il vit que M. de Climal s’avançait aussi : Non, monsieur, dit-il, ne vous en mêlez pas : vous ne seriez pas assez fort pour soutenir mademoiselle, et je doute qu’elle puisse poser le pied à terre ; il vaut mieux appeler quelqu’un. M. de Climal se retira (on a si peu d’assurance quand on n’a pas la conscience bien nette). Et là-dessus il sonne. Deux de ses gens arrivent : Approchez, leur dit-il, et tâchez de porter mademoiselle jusqu’à son carrosse. je crois que je n’avais pas besoin de cette cérémonie-là, et qu’avec le secours de deux bras, je me serais aisément soutenue ; mais j’étais si étourdie, si