Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/125

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déconcertée, que je me laissai mener comme on voulait, et comme je ne voulais pas.

M. de Climal et la dame, qui s’en retournaient ensemble, me suivirent, et Valville marchait le dernier en nous suivant aussi.

Quand nous traversâmes la cour, je le vis du coin de l’œil qui parlait à l’oreille d’un laquais.

Et puis me voilà arrivée à mon carrosse, où la dame, avant que de monter dans le sien, voulut obligeamment m’arranger elle-même. je l’en remerciai : mon compliment fut un peu confus. Ce que je dis à Valville le fut encore davantage ; je crois qu’il n’y répondit que par une révérence qu’il accompagna d’un coup d’œil où il y avait bien des choses que j’entendis toutes, mais que je ne saurais rendre, et dont la principale signifiait : Que faut-il que je pense ?

Ensuite je partis interdite, sans savoir ce que je pensais moi-même, sans avoir ni joie, ni tristesse, ni peine, ni plaisir. On me menait, et j’allais. Qu’est-ce que tout cela deviendra ? Que vient-il de se passer ? Voilà tout ce que je me disais dans un étonnement qui ne me laissait nul exercice d’esprit, et pendant lequel je jetai pourtant un grand soupir qui échappa plus à mon instinct qu’à ma pensée.

Ce fut dans cet état que j’arrivai chez Mme Dutour. Elle était assise à l’entrée de sa boutique, qui s’impatientait à m’attendre, parce que son dîner était prêt.

je l’aperçus de loin qui me regardait dans le carrosse