Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/129

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assez jolie, ce qui lui donnait encore une autre espèce de gloire.

Les femmes d’un certain état s’imaginent en avoir plus de dignité, quand elles ont un joli visage ; elles regardent cet avantage-là comme un rang. La vanité s’aide de tout, et remplace ce qui lui manque avec ce qu’elle peut. mme Dutour donc se sentit offensée de l’apostrophe ignoble du cocher (je vous raconte cela pour vous divertir), la botte d’herbes sonna mal à ses oreilles. Comment ce jargon-là pouvait-il venir à la bouche de quelqu’un qui la voyait ? Y avait-il rien dans son air qui fît penser à pareille chose ? En vérité, mon ami, il faut avouer que vous êtes bien impertinent, et il me convient bien d’écouter vos sottises ! dit-elle. Allons, retirez-vous. Voilà votre argent ; prenez ou laissez. Qu’est-ce que cela signifie ? Si j’appelle un voisin, on vous apprendra à parler aux bourgeois plus honnêtement que vous ne faites.

Hé bien ! qu’est-ce que me vient conter cette chiffonnière ? répliqua l’autre en vrai fiacre. Gare ! prenez garde à elle ; elle a son fichu des dimanches. Ne semble-t-il pas qu’il faille tant de cérémonies pour parler à madame ? On parle bien à Perrette. Eh ! Palsambleu ! payez-moi. Quand vous seriez encore quatre fois plus bourgeoise que vous n’êtes, qu’est-ce que cela me fait ? Faut-il pas que mes chevaux vivent ? Avec quoi dîneriez-vous, vous qui parlez, si on ne vous payait pas votre toile ? Auriez-vous la face si large ? Fi ! que cela est vilain d’être crasseuse !